Elsie, je viens de voir dans ton message que tu es du côté de Pontoise. C'est là que j'habite : en face de l'hôpital, en plus. Alors si tu as envie de passer un petit moment avec moi pour discuter et peut-être te changer un peu les idées, n'hésite pas (un mp et je te file mon numéro).
Quand je vois ce qu'on t'a fait subir, ça me fait frémir et ça me rappelle un très mauvais souvenir.
En 1987, alors que j'étais étudiante en année de maîtrise, je me suis trouvée très fatiguée. Longue aménorrhée, mal être, douleurs abdominales. Le généraliste diagnostique d'abord une dépression liée au stress des études, on me fait prendre un neuroleptique qui me déclenche des convulsions. Je téléphone au neuro-psy de ma grand-mère (à 1000 km de là, mais au moins celui-là je savais que c'était un bon), qui m'explique que ma réaction prouve que je n'ai absolument pas besoin de ces neuroleptiques et que je ne suis pas dépressive. Il me conseille d'aller voir un autre généraliste. Je le fais. Ce coup-ci, le généraliste m'envoie à l'hôpital de Neuilly (j'habitais à la limite entre Neuilly et Levallois, à l'époque) pour passer une célioscopie. A l'hôpital, on me garde 5 jours. On me donne des médicaments sans me dire ce que c'est. Le 4ème jour, on ne m'alimente pas de la journée sous prétexte que je vais aller en salle d'opération pour cette fameuse célioscopie, mais on m'oublie. Le 5ème jour, je suis dans un état de grande faiblesse et j'ai des tremblements et des crises de larmes. Ma voisine de chambre, une quinqagénaire, est convaincue que je suis une droguée en état de manque et se montre odieuse envers moi. Je réclame aux infirmières de voir un médecin (depuis mon hospitalisation, je n'en ai encore vu aucun, alors que plusieurs se sont succédés au chevet de ma voisine de chambre). Un médecin finit par venir, très agressif. Je suis en train de pleurer, son attitude n'arrange rien. J'essaie de lui expliquer la sitution, il me foudroie de son regard hautain. Il me demande où j'ai mal, je lui réponds "au ventre". Il me palpe alors... la gorge !!! Puis il me déclare, péremptoire : "Vous n'avez pas de ganglions, vous n'avez donc ni cancer, ni sida, ni tuberculose. Vous n'avez rien. Je vous fait interner d'urgence en psychiatrie."
J'ai refusé tout net, malgré ma faiblesse. J'ai donc signé une décharge et j'ai fui l'hôpital. Le généraliste, horrifié, m'a fait entrer en clinique privée. J'avais encore les médicaments donnés par l'hôpital (je ne les avais pas tous pris) et je les montre aux gens de la clinique, pour découvrir qu'il s'agissait... d'un neuroleptique !!! Ce qui signifie qu'alors que j'étais entrée à l'hôpital avec une lettre de médecin expliquant mes douleurs et demandant un examen précis, on m'avait directement cataloguée malade psy et bourrée d'un médicament inadapté auquel je réagissais très mal !!!
A la clinique, on m'a fait la célioscopie, on a constaté que j'avais des kystes sur les ovaires, on m'a opérée et tout est allé mieux ensuite.
On m'a re-étiquettée malade psy quand j'ai eu des problèmes au genou suite à une entorse mal soignée. Il a fallu une opération chirurgicale, là encore, pour réparer le problème (causé par une plica). Mais la psy qu'on m'avait envoyée consulter (une lacanienne) m'expliquait par a + b que je n'avais rien au genou, que cette douleur qui me contraignait à marcher avec des béquilles était liée à mes problèmes de couple (couple = je+nous donc genou).
De nouveau étiquettée psy par un généraliste quand j'ai attrapé la toxoplasmose. J'étais épuisée, le généraliste n'a jamais vu que c'était la toxoplasmose. On s'en est rendu compte grâce aux prises de sang qu'on fait quand on suspecte une grossesse. J'avais des prises de sang antérieures prouvant que je n'avais jamais eu ni rubéole ni toxoplasmose. Les prises de sang postérieures prouvaient que j'avais eu la toxoplasmose... pour laquelle je n'ai pas été soignée ni aidée puisqu'on m'a traitée de dépressive, la dépression étant, pour ces médecins, la seule cause à un état de grande fatigue...
Et finalement, après la naissance de ma première fille, à cause de l'accouchement, je suis restée avec un état de fatigue chronique, de douleurs chroniques, avec des pathologies associées etc... et là, alors qu'on voulait déjà m'orienter vers les psys, une fois de plus, ben j'ai eu de la chance : je suis tombée sur un bon rhumatologue qui a découvert que j'avais une fibromyalgie.
Mais c'est une maladie orpheline, peu connue, pas reconnue par l'Etat et la sécurité sociale, et la plupart des généralistes ne savent pas l'identifier, la diagnostiquer ni l' accompagner, si bien qu'en général ils envoient les malades chez les psys...
Or ma fibromyalgie a été déclenchée, je le rappelle, par un accouchement.
Et cette maladie touche 2 % de la population des pays occidentaux (pas de statistiques sur lesautres), et 80 % des malades sont des femmes.
A noter que quand on est fibromyalgique, en France, on ne peut être reconnu adulte handicapé par la Cotorep qu'à condition d'accepter d'être étiquetté malade mental (dépressif, en général). Mais ce n'est absolument pas une dépression ! Même si certains malades peuvent développer une dépression *après* à cause de leur état qu'il ne comprennent pas, ou à cause de l'incompréhension des proches et des pouvoirs publics.
On fait beaucoup trop vite un diagnostic "maladie psy" dans notre pays, Elsie. Mon parcours en témoigne.